Wednesday, April 24, 2024
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Angola: «Quand vous n’êtes pas avec le MPLA, vous êtes contre le MPLA»

A quelques jours des élections légilsatives qui doivent se tenir le mercredi 23 août, la campagne se termine ce lundi soir en Angola. Le parti qui remportera la majorité désignera le futur président. Au pouvoir depuis 37 ans, José Eduardo dos Santos a décidé de passer la main. Son dauphin désigné, João Lourenço, part favori. Le MPLA, parti au pouvoir, tient la société angolaise d’une main ferme. Un cadre du mouvement, ancien enfant-soldat pendant la guerre civile, témoigne de cette mainmise.

Il a accepté de répondre aux questions de RFI, de raconter son histoire et de dévoiler les dessous du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), mais à la condition de rester anonyme. Engagé de force dans les rangs du MPLA alors qu’il était encore un enfant, il a combattu contre les rebelles de l’Union pour l’indépendance totale de l’Angola (l’Unita). Actuellement fonctionnaire, et cadre au sein du parti au pouvoir depuis plus de 37 ans, ce témoin raconte son enrôlement et son endoctrinement, mais aussi les dérives d’un parti – qui se présente aujourd’hui encore comme marxiste-léniniste – dont les principaux cadres sont accusés de détournements de fonds et de prévarication.

RFI : Quand avez-vous adhéré au MPLA ?

Cadre du MPLA : Je peux dire que je suis né dans le MPLA. Mes parents étaient MPLA et jusqu’à aujourd’hui, je peux dire que je ne connais pas d’autres partis. Dès l’âge de 6 ans, j’étais un « pionnier » du MLPA, c’est ce qui existait pour les enfants en âge d’aller à l’école, jusqu’à 15 ans. Et après, j’ai intégré la jeunesse du Mouvement populaire de libération de l’Angola.

Avez-vous combattu dans les rangs du MPLA ?

A l’époque, je ne le savais pas, mais je me suis rendu compte après coup que, finalement, j’étais aussi appelé un « enfant soldat », parce que j’ai pris les armes avant mes 18 ans.

J’ai combattu dans au moins trois provinces du pays. Je l’ai fait pendant plus d’une année. J’ai pris part à la guerre de 1995. Et en 1997, j’ai déserté, en quelque sorte, parce que ce n’était pas formel, ma sortie de l’armée.

Est-ce que c’était dur ?

Dur ? Le mot est faible. C’était atroce. C’est difficile à expliquer. Ce que j’ai vu à cette époque… Je pense que je mourrais avec ces images atroces… Tout ce que je faisais, c’était de respecter les ordres. Tirer, sans réfléchir, sans savoir le pourquoi.

Je ne savais pas vraiment ce que c’était que l’Unita. Pour nous, c’était une rébellion, ou même des civils. En fait, c’était toute personne qui n’avait pas ma philosophie et qui était pour moi un ennemi sur laquelle il fallait tirer. J’étais juste une machine.

Pourquoi vous avez quitté les rangs de l’armée ?

On m’avait recruté par force. Un cousin à moi était militaire dans les rangs du MPLA. Il avait appris que je faisais partie d’une unité qui allait attaquer l’une des bases de l’Unita. Il m’a « volé », et il m’a conscientisé :

« Il faut que tu quittes, parce que tu es encore petit. Tu dois retourner vivre dans la famille. Papa est militaire. Tout le monde est militaire. Pourquoi toi aussi, tu veux continuer ? » Il m’a pris et on a fui, vers 2h du matin. On est parti en brousse.

On a changé de tenue pour redevenir civil. On était affamé. Quand on est arrivé en ville, j’ai retrouvé ce que c’était que la vie normale, la famille. J’ai passé toute une période lors de laquelle tout le monde avait peur de me parler, de me demander quoi que ce soit. Je restais silencieux.

Comment avez-vous été recruté ?

J’étais en salle de classe. C’était avant midi. Nous avons vu deux camions militaires. Ils ont encerclé les salles de classe. Les filles restaient, tous les garçons devaient sortir pour monter dans le camion. Si vous résistiez, on vous tapait.

Mais moi, je suis monté volontairement dans le camion. Je me disais que peut-être, comme l’Unita était à côté, c’était la guerre, l’armée du gouvernement venait pour nous protéger. Parce que l’Unita faisait la même, il prenait de force les garçons et même les filles pour les enrôler.

Quand vous étiez encore dans la jeunesse du MPLA, qu’est-ce que l’on vous enseignait ? Y avait-il un contenu idéologique ?

On nous disait que l’Unita, c’était l’ennemi. On ne pouvait ni l’écouter, ni regarder. Quand on était pionniers, on nous apprenait surtout à être des agents de renseignement, à dénoncer ceux qui ne parlaient pas du MPLA, qui ne portaient pas les T-Shirt du MPLA. Mais aussi ceux qui ont des postes radio. Il fallait rapporter tout ce que l’on voyait, tout ce qui ne cadrait pas avec le MPLA.

Savez-vous ce que le MPLA faisait avec ce type d’information ?

Je ne sais pas, notre mission s’arrêtait là.

On disait le MPLA marxiste-léniniste. Il n’y avait aucun enseignement idéologique ?

Il n’y avait aucun enseignement idéologique. Je ne savais rien du monde. Le monde pour nous, c’était l’Angola. Mon père commentait un tout petit peu l’actualité en URSS. C’est là où il a fait sa formation militaire, il y voyageait régulièrement.

Non, le message du parti, c’était : « Soit vous choisissez le MPLA et c’est la vie, soit vous ne choisissez pas le MPLA et vous êtes candidat à la mort. » Mais on chantait des chants du parti, on lisait des récits du parti. Il y a certains personnages dont on nous parlait, mais j’ai appris qu’ils n’ont jamais existé.

Comme Ngangula ! Cette histoire nous apprenait surtout à ne jamais trahir le parti. Comme Ngangula, si quelqu’un venait nous poser une question sur le MPLA ou même sur mon père qui était militaire, il ne fallait rien dire. Comme Ngangula, il fallait accepter de mourir.

Que retiendrez-vous de la présidence de Jose Eduardo dos Santos ?

C’est un grand président. Le contexte dans lequel il a pris le pouvoir n’était pas facile. Il était très jeune. Il a su se maintenir pendant la guerre jusqu’en 1992. Il a gagné les élections cette année-là. Même, il y a eu des critiques.

Il a aboli la peine de mort, il ne l’a jamais appliquée. Il a limité le nombre de mandat à deux. Et puis il a incité ceux qui avaient caché leur trésor de guerre à l’étranger à investir dans le pays. Depuis 2002, il y a eu des investissements. On est engagé sur la voie du développement, malgré tout.

Pourtant, on l’accuse, lui et ses deux enfants, d’être les principaux responsables des détournements de fonds en Angola…

Nous vivons cela. Nous sentons cela dans nos assiettes : les prix. Sonangol, le prix de l’essence. Pourquoi l’essence est-elle aussi chère ? Nous avons été à un moment le premier producteur de pétrole. Unitel, le prix des unités de téléphonie mobile, c’est plus cher que chez nos voisins. Pourquoi ?

Et Sonangol, Unitel, c’est la famille présidentielle… Vous avez évoqué vos motifs d’admiration pour le président dos Santos, quels sont ses défauts ?

C’est un homme bon par bien des aspects, mais il a fait du mal au pays. Je l’admire, lui, mais pas son entourage, pas ceux qui gèrent l’argent public, ceux qu’il a nommés, les ministres, les gouverneurs, les administrateurs de territoire.

Aujourd’hui, en Angola, on nomme sa famille, ses amis ou même ses maîtresses à des postes importants, on détourne de l’argent à grande échelle. Quand vous lisez les documents signés par le président, vous ne pouvez qu’applaudir. Mais la réalité est toute autre. On inaugure des hôpitaux, mais il n’y a pas de médicaments.

Parfois, il n’y a pas de personnel ou de matériel. Le budget s’est évanoui. Peut-il l’ignorer ? Je ne crois pas. L’une des raisons pour lesquelles il ferme les yeux, c’est sans doute qu’il se sent une dette morale envers les généraux, notamment, qui ont combattu et l’ont aidé à rester au pouvoir. Mais aujourd’hui, la corruption est partout. Et c’est l’impunité totale.

Est-ce que l’on peut critiquer la politique du gouvernement au sein du MPLA ?

Aujourd’hui, non. Si vous critiquez, on vous assimile à l’opposition. Mais auparavant, il y avait des cellules d’autocritique au sein du parti, du temps d’António Agostinho Neto. Et même au début du règne de Jose Eduardo dos Santos.

Moi, je suis fonctionnaire. Pour être fonctionnaire, il faut être du MPLA. Mais aujourd’hui, si vous critiquez votre chef au sein de l’administration, vous avez de sérieux problèmes, vous pouvez même être licencié. Quand on écrit un rapport, c’est pour plaire. On ment beaucoup.

En tant que cadre du MPLA, avez-vous l’espoir que les choses changent si Joao Laurenço, le candidat du MPLA, devient président ?

J’ai l’espoir. Mais l’espoir n’exclut pas le doute. Si cela va changer, je me demande comment… Un signe, ce serait qu’au moins quelques-uns parmi ceux qui ont détourné de l’argent soient arrêtés et jugés.

Pourquoi ne pas quitter le MPLA, avec toutes les critiques que vous formulez ? Pourquoi ne pas militer dans l’opposition, ou rester apolitique ?

Quand vous n’êtes pas avec le MPLA, vous êtes contre le MPLA. Et moi, je pourrais perdre mon travail. L’opposition ne m’inspire pas confiance, il n’y a pas de projet de société. Ils ont tout calqué sur ceux du MPLA.

Mais c’est le MPLA qui est aux commandes, c’est le MPLA qui a l’argent. Si un parti d’opposition prend le pouvoir, il n’aura pas l’argent. Comment pourront-ils gérer le pays ? Tout ce qu’ils disent, c’est faux. Ils ne sont pas en mesure de le faire.

Et puis, ils prônent la vengeance. Ça fait peur, même à ceux qui sont déçus dans le MPLA. On reste aussi dans le MPLA avec l’espoir qu’un président va enfin comprendre les besoins du citoyen ordinaire angolais. On n’a pas besoin d’une révolution. Mais on a besoin d’un président responsable.

Une révolution, ça veut dire de la violence, ça nous ramènerait en arrière. Aucun citoyen angolais n’a aujourd’hui envie d’entendre un coup de feu. C’est vrai pour nous, les cadres, les militants du MPLA, c’est vrai aussi pour l’opposition.

rfi

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